Qui contrôle vraiment les musiques actuelles en France ?

Qui contrôle vraiment les musiques actuelles en France ?

Quand les grands groupes tiennent les rênes, de l’artiste à la télé.

 

Le Syndicat des Musiques Actuelles (SMA) vient de publier une cartographie saisissante des dix plus grands opérateurs privés qui structurent désormais une large part de la filière musicale française. Derrière ce schéma à l’apparence neutre, presque clinique, se cache une réalité bien plus vivante : celle d’une industrie où l’indépendance devient rare, parfois même symbolique.

 

Festivals, salles, médias, billetterie, production… aujourd’hui, une poignée de groupes tient l’ensemble des leviers. Ce n’est pas nouveau, mais le phénomène s’est intensifié, et la carte du SMA en offre une lecture visuelle limpide. Elle montre comment certains acteurs parviennent à orchestrer, de bout en bout, la carrière d’un artiste. Un label signe un nom prometteur. La chaîne de télé du même groupe lui offre un plateau. Sa musique est diffusée sur une radio partenaire. On le retrouve ensuite à l’affiche d’un festival ou d’un Zénith géré par cette structure, avec des billets vendus via leur propre plateforme.

 

À l’écran, tout semble naturel. Pourtant, tout est intégré.

 

 

© Cartographie SMA

 

 

Cette organisation n’a rien d’illégal. Elle est même redoutablement efficace. Mais elle brouille la frontière entre le succès organique et le succès piloté. Entre la découverte artistique et la stratégie commerciale. Et dans cette logique, les artistes indépendants sont souvent les premiers à en faire les frais : moins de visibilité, des circuits d’accès plus restreints, une course à la notoriété qui demande plus d’efforts et plus de temps.

 

Derrière la cartographie, on retrouve des noms familiers : Bolloré, Pigasse, Malone, Arnault. Mais aussi des profils moins connus du grand public comme Daniel Kretinsky, qui détient aujourd’hui France Billet, une partie de TF1 et le groupe Editis. Klaus-Peter Schulenberg, à travers CTS Eventim, contrôle une quarantaine de festivals en Europe, dont Garorock. GL Events gère désormais le Stade de France. Même Fever, start-up née à Madrid, s’installe en France avec ses concerts immersifs et ses propres festivals.

 

Tous ont leur logique, leur style, leur terrain. Mais tous participent à une même transformation : celle d’un paysage où la musique devient un produit global, rationalisé, interconnecté. On y retrouve les mêmes têtes d’affiche, les mêmes formats, parfois même les mêmes récits, du Brésil à Paris.

 

La cartographie du SMA ne prend pas parti. Elle ne dénonce pas, elle montre. Et ce qu’elle donne à voir, c’est une musique française de plus en plus concentrée dans ses moyens de diffusion. Ce n’est pas une fin en soi. Mais c’est une évolution à regarder en face.

 

L’indépendance n’a pas disparu. Elle devient simplement un choix plus exigeant. Et c’est peut-être là que réside le rôle essentiel des médias spécialisés, des programmateurs, des curateurs : préserver cet espace fragile où l’émergence reste possible. Parce qu’au fond, la richesse musicale se joue aussi dans ce qui échappe aux algorithmes.

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